LA DOUANE DE DEMAIN, A CHACUN SES ÉTONNEMENTS
Par Alban Gruson, Président Directeur Général
Le récent Colloque de l’Odasce fêtait le cinquantième anniversaire de cette association.
Tous les ingrédients étaient réunis :
Le lieu :
Biarritz avec vue sur mer
Les participants :
environ 450
Les thèmes abordés :
douane horizon 2030
La restauration :
Lucullus dine chez Lucullus
Et de l'avis de chacun,
ce fut une réussite
Sans oublier le final de Denis Redon avec son habituel « rapport d’étonnement » qui à lui seul constitue un temps fort du colloque que tous les participants ne manqueraient pour rien au monde. Pour ma part, au travers des tribunes et des ateliers, j’ai été interpellé par un certain nombre de points que je me permets de soumettre à votre sagacité.
LA DOUANE DU FUTUR SERA-T-ELLE DÉMATÉRIALISÉE DE BOUT EN BOUT ?
Tout d’abord le comité européen des sages et son état des lieux accompagné de propositions d’améliorations.
L’idée de capter directement la donnée à la source commerciale n’est pas nouvelle contrairement à ce qui a été dit. C’est une tentation constante des administrations depuis que l’informatisation est apparue. Ce qui est nouveau c’est d’affirmer péremptoirement que ce sera la règle de demain. Je pense qu’il y a encore un long chemin à parcourir pour y parvenir. Ce chemin est parsemé de certaines embuches juridiques, technologiques.
Une telle organisation signifierait-elle qu’une donnée générée par un opérateur de l’autre bout de la planète s’imposerait ipso facto dans le pays de destination de la marchandise sans contrôle de la part de son destinataire ? Cela signifie-t-il que les administrations seront en mesure et assumeront la détermination des droits et taxes applicables et le montant à percevoir ? Ce n’est plus une évolution, mais une révolution ! Ne serait-ce qu’au regard du dispositif de « self assessment » ou auto liquidation prévu dans le CDU. Je vous laisse le soin d’y réfléchir.
UNE AGENCE DOUANE EUROPÉENNE, QUELS AVANTAGES EN ATTENDRE ?
Autre proposition : celle de la création d’une « « agence douane » qui serait là pour veiller à la bonne application des dispositions réglementaires au sein de l’Union Européenne. Sorte de police des polices qui sanctionnerait les états membres défaillants afin de faire régner sur le Territoire de l’Union une uniformité de traitement des aspects douaniers. Un tel projet, outre qu’il ajoute encore un étage à la fusée européenne, ne fait que mettre en exergue les distorsions de traitement liées à des aspects de concurrence douanière et économique entre les états membres. La question se pose des pouvoirs qui lui seraient accordés pour assurer une telle mission….
L’aspect digitalisation a également été l’objet d’un certain étonnement car en tout état de cause, les entreprises y vont avec des pieds de plomb. Ce n’est que sous la contrainte qu’elles évoluent peu à peu vers cette modalité d’organisation de leur activité. Malgré les nombreux travaux réalisés pour parvenir à une transmission électronique de l’information de bout en bout, on est loin du compte.
Et ce n’est pas sans avoir nous-même contribué aux programmes européens tels que CORE et SELIS.
Mais force est de constater que seule l’obligation administrative est de nature à contraindre les entreprises à avancer dans ce domaine. J’en veux pour exemple la future facturation électronique prévue en UE et prochainement obligatoire en France. Il ne s’agit plus de créer un PDF mais bien de constituer un ensemble de données en un message électronique valant facture. Est-ce que cela va enfin générer le déclic tant attendu ?
ICS2, VERS UN NOUVEAU SCHÉMA D’ORGANISATION ?
Il faut également noter le nouveau schéma d’organisation d’ICS2 qui a pour objectif de permettre à plusieurs intervenants de compléter le jeu de données requis à l’arrivée. Je ne parviens toujours pas à me projeter sur le terrain des opérations. La question est de savoir qui dispose de quoi à quel moment. Le tout orchestré sous la responsabilité du transporteur international. Vendeur, freight forwarder, transporteur, destinataire, chacun dispose d’un certain nombre de données. Mais qui va opérer leur transmission sous forme de message vers l’UE ? Combien de messages complémentaires faudra-t-il relier pour obtenir la totalité des données requises ?
Il va falloir que tout ce petit monde s’organise…. Mais quelle n’a pas été ma surprise de constater que malgré la création d’une plateforme centralisée européenne, l’analyse de risque reste traitée nationalement par chaque état membre. Décidément, le concept d’union européenne a bien du mal à s’imposer ! Nul doute que des différences existeront qui provoqueront à terme des détournements de trafics vers les états moins exigeants. L‘expression « des états dans l’état » prend toute sa dimension. Mais les prochains colloques organisés d’ici 2030 nous apporteront peut-être quelques éclaircissements sur ces différents points.