BREXIT, QUOI DE NEUF ?
Après deux premières sessions sans avancée, dans un contexte plombé par la pandémie de Covid-19, le Royaume-Uni et l’Union Européenne ont repris lundi 11 mai le cours de leurs négociations sur les relations post-Brexit.
Cristallisation des querelles autour des questions de l’Irlande du Nord et des droits de pêche
Les derniers échanges fin avril faisaient planer une forte incertitude sur la capacité de Londres et Bruxelles à s’entendre d’ici la fin de l’année. « Le Royaume-Uni n’a pas voulu s’engager sérieusement sur un certain nombre de points fondamentaux », avait regretté M. Barnier. Les négociateurs doivent théoriquement décider en juin s’ils prolongent, ou non, la période de transition afin de se laisser plus de temps pour négocier. Mais Londres rejette toujours cette idée, quand bien même l’épidémie de Coronavirus a chamboulé le calendrier des discussions organisées maintenant en visioconférence. Le ministre allemand des affaires étrangères, Heiko Maas, avait prévenu le 9 mai : « Le gouvernement britannique refuse toujours de reporter le délai (…) Si cela continue, nous devrons faire face au Brexit, en plus du Coronavirus à la fin de l’année »
Un des points de querelle est la persistance d’un bureau de délégation de l’UE à Belfast, en Irlande du Nord après la fin de la période de transition. Le Royaume-Uni a officiellement rejeté à deux reprises l’idée, la ministre britannique Penny Mordaunt y voyant une ‘division en termes politiques et communautaires’ dans la province. A la suite de la dernière série de pourparlers en avril, M. Barnier a insisté sur le fait que l’UE a besoin de ‘preuves tangibles que le Royaume-Uni progresse dans les procédures de nouveaux accords douaniers’.
Un troisième cycle de négociations s’est donc achevé le 15 mai et le négociateur en chef britannique, David Frost, ainsi que le négociateur en chef de l’UE, Michel Barnier, se sont mutuellement reprochés l’impasse au cœur des pourparlers.
Le Royaume-Uni ne demande rien de plus à l’UE qu’un accord classique de libre-échange, sur le modèle de celui conclu par l’UE avec le Canada, autour duquel pourraient ensuite être négociés plusieurs accords sectoriels. L’UE répond qu’elle ne pourra proposer un accord commercial ambitieux à Londres que s’il est assorti de garanties additionnelles solides en matière de concurrence équitable, le fameux ‘level playing field’. La question des droits de pêche demeure notamment : le Royaume-Uni réaffirme son ambition de devenir un état côtier indépendant, avec renégociation annuelle des quotas de pêche dans ses eaux, ce que l’UE refuse.
En attendant le prochain cycle de négociations prévu dès le 1er juin, l’idée d’un hard Brexit rôde, avec un retour à des échanges commerciaux aux conditions de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) dès 2021 !
Et pendant ce temps… Le Royaume-Uni discute aussi avec les Etats-Unis
Et tandis que les négociations commerciales de l’après-Brexit s’enlisent avec l’UE, d’autres pourparlers entre le Royaume-Uni et les Etats-Unis ont commencé en visioconférence, début mai en vue d’un accord de libre-échange ‘ambitieux’. Plus de 100 fonctionnaires de part et d’autre de l’Atlantique y sont impliqués. La première session de négociations s’inscrit dans un calendrier de réunions opérées toutes les six semaines, l’ambition du gouvernement britannique étant de parvenir à la signature d’un accord avant la fin de l’année, parallèlement au pacte de l’après-Brexit avec l’UE. Mais sur ce front-là, rien n’est simple non plus :
Les élections au Congrès et à la présidence des Etats-Unis qui se tiendront en novembre prochain réduisent les chances de parvenir à un consensus à temps. En 2018, les Etats-Unis restent le plus important partenaire commercial du Royaume-Uni, représentant à lui seul presque 19 % des exportations britanniques et 11 % de ses importations.
Le gouvernement de Boris Johnson souhaite conclure des accords couvrant 80 % de son commerce extérieur d’ici 3 ans et a choisi de privilégier les Etats-Unis, l’Australie, la Nouvelle-Zélande et le Japon.
Un nouveau tarif douanier à l’étude
Dans ce contexte, le Royaume-Uni a présenté mardi son nouveau tarif douanier, UK Global Tariff (UKGT), pour l’après Brexit qui remplacera le TEC (Tarif Extérieur Commun) de l’UE. Les droits de douane seront maintenus sur un certain nombre de produits des filières agricoles, automobiles et pêche afin de préserver les secteurs concernés localement.
L’UKGT conserve une taxe de 10 % sur les importations des voitures, mais supprimera tous les droits de douane inférieur à 2 %, ce qui devrait le rendre plus simple et moins cher que le TEC européen. De plus, les droits de douane seront supprimés sur une large de gamme de produits : 60 % des échanges entreraient ainsi au Royaume-Uni en franchise de droits, aux conditions de l’OMC ou via l’actuel accès préférentiel, à compter du 1er janvier 2021, selon le gouvernement.
Des contrôles aux frontières pour l’entrée des marchandises
Toujours sur le plan douanier, dans une lettre adressée au parlement nord-irlandais, Boris Johnson reconnait qu’il y aura bien des contrôles douaniers sur le territoire nord-irlandais pour les biens en provenance de la Grande-Bretagne, à l’issue de la période de transition post Brexit. Ces contrôles seront effectués dans les trois ports de Belfast, Warrenpoint et Larne.
Question sensible, s’il en est. Par principe, les partis unionistes nord-irlandais ont longtemps refusé tout ce qui pourrait apparaitre comme une frontière de fait au sein même du Royaume-Uni. Les nationalistes irlandais du Sinn Fein refusant, pour leur part, toute frontière entre la République d’Irlande (Etat membre de l’Union européenne) et la province britannique d’Irlande du Nord. Or, chaque année, 450 000 poids lourds acheminent des marchandises de Grande-Bretagne en Irlande du Nord pour un montant de 12,42 milliards d’euros. Les commerçants nord-irlandais réclament des exemptions de formalités pour les produits destinés au seul commerce local. Ils ont évalué le surcoût des contrôles à 100 livres (112€) par camion. ‘Un document précisant le fonctionnement de la frontière entre l’Irlande et l’Irlande du Nord sera publié prochainement’, a promis un porte-parole de Downing Street.
Le contrôle de l’immigration
Les parlementaires britanniques ont également adopté le 18 mai une réforme de l’immigration post-Brexit, qui mettra fin au droit d’immigrer librement au Royaume-Uni dès 2021 pour les travailleurs de l’espace économique européen, c’est-à-dire de l’Union européenne mais aussi d’Islande, de Norvège, du Liechtenstein et de Suisse. Les nouveaux critères d’entrée ne sont pas encore détaillés mais le Premier ministre, Boris Johnson, a déjà présenté un projet de système par points, qui doit favoriser les candidats exerçant une profession hautement qualifiée. L’Irlande sera exemptée des règles d’immigration, en vertu d’un accord de libre circulation antérieur à l’adhésion des deux pays à l’UE en 1973.